Dans ses premières explorations du phénomène de l'existence, Martin Heidegger s'est particulièrement inspiré du grand réformateur Martin Luther (1483-1546), à qui il attribue le mérite d'avoir ouvert, accessoirement à sa visée théologique, la voie à ce qu'il appelait, à cette époque, une « science originaire de la vie »[1]. Bien que les références explicites textuelles à Luther soient peu nombreuses, les commentateurs s'accordent à lui reconnaître une influence souterraine importante, chez un philosophe, qui de son côté, n'a pas hésité à qualifier le jeune Luther d'accompagnateur Begleiter. Heidegger confie dans la préface du dernier cours de Fribourg en 1923 « Mon compagnon de route dans la recherche fut le jeune Luther et mon modèle Aristote que le premier haïssait » [2].
C'est sous l'influence de Schleiermacher, auquel il s'était intéressé dès 1917 et qui prônait le retour à « l'expérience vécue », que Heidegger entreprit la lecture de Martin Luther[3]. Dans le Luther qui récuse la tradition scolastique, et dans sa violence interprétative, Heidegger va trouver, les ressources nécessaires qui lui permettront d'accéder, par-dessus cette tradition à l'expérience originelle des grecs, et précisément à un nouvel Aristote, demeuré méconnu jusqu'ici[N 1].
L'influence du grand Réformateur ne se limite d'ailleurs pas à l'interprétation des phénomènes néo-testamentaires relatif à l'existence humaine mais s'étend à la critique (la Déconstruction) des doctrines aristotéliciennes du mouvement, du premier moteur immobile et du principe de l'antériorité de l'acte sur la puissance[4]. En 1924, Heidegger donne une conférence remarquée sur « le problème du péché chez Luther »[N 2], à l'occasion d'un séminaire dirigé par Rudolf Bultmann, théologien protestant.
Bien que venu du catholicisme, Heidegger impressionne par la profondeur de ses analyses, le célèbre théologien qui manifeste un grand intérêt notamment dans son exégèse des thèses de Luther[5]. On peut dire que les théologiens protestants de Marbourg, venus de la théologie historique et libérale, trouvèrent dans ce philosophe catholique, l'occasion de « renouveler le sens kérygmatique de l'Évangile » [6],dont le propre est d'éveiller l'homme au sens de son existence, faite d'insécurité et d'inquiétude le Bekümmerung, d'une prise de conscience de l'indisponibilité totale de l'avenir, qui se traduit par le maintien de l'« être-là », dans un temps immaitrisable, le temps« kairologique »[7].
Deux articles connexes Phénoménologie de la vie religieuse et l'article sur le théologien Rudolf Bultmann, nous donnent les raisons de l'intérêt du philosophe pour l'expérience de vie des premiers chrétiens au temps des épîtres de Paul. Ils sont à lire et à prendre préalablement en compte pour comprendre l'apport spécifique de l'interprétation de Martin Luther et les ressources conceptuelles qui ont pu en être tirées par Heidegger, notamment dans son livre majeur Être et Temps pour la détermination du concept de Dasein.
L'essentiel du contenu de l'article, est tiré de la contribution intitulée, « le problème du péché chez Luther », de Christian Sommer au livre « Le jeune Heidegger 1909-1926 »[8], comprenant la traduction de la conférence de 1924 de Martin Heidegger « Le problème du péché chez Luther 1924 » ainsi qu'un ensemble très important de notes de valeur.
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