Noblesse roumaine

Marta, princesse Bibescu
(1886-1973)

Les expressions noblesse roumaine ou aristocratie roumaine (en roumain: nobilimea română ou aristocrația română) désignent l'ensemble des personnes faisant partie des classes privilégiées, détentrices de la terre et de franchises spécifiques appelées jus valachicum[1], initialement d'origine roumaine et de confession orthodoxe, ayant gouverné les « valachies » (nom commun des communautés rurales autonomes appelées « Romanies populaires » dans l'histoire de la Roumanie) essentiellement dans les trois principautés où vivaient les roumanophones, à savoir la Transylvanie (1111-1867), la Valachie (nom propre, 1330-1859) et la Moldavie (1359-1859)[2].

La noblesse roumaine ne ressemble pas aux noblesses occidentales[3]. D'une part, il ne s'agissait initialement pas d'une noblesse titrée car les nobles roumains n'avaient en général pas de ducs, de marquis, de comtes ni de barons, si l'on excepte quelques familles qui ont reçu, au fil de l’histoire, des titres des monarques étrangers (l’empereur du Saint-Empire, le roi de Pologne, le tsar de Russie)[4] ainsi que la branche roumaine des Hohenzollern-Sigmaringen importée d’Allemagne en 1866[5].

D'autre part, ses limites étaient « poreuses » tant sur le plan social (les mariages avec des roturiers étant admis) que sur le plan national (une partie de la noblesse roumaine est devenue russe[6], et en Transylvanie qui était vassale du royaume catholique de Hongrie, la noblesse roumaine a quasi-disparu comme telle, en s'intégrant dans la noblesse hongroise par conversion au catholicisme et passage à la langue magyare[7], comme en témoignent les origines du prince transylvain Jean Huniade ou du baron Nopcsa ; inversement en Moldavie et Valachie la noblesse roumaine a augmenté en intégrant de nombreux nobles grecs[8], voire tatars comme les ancêtres du prince Dimitrie Cantemir)[9].

  1. János Mihályi de l’université de Budapest : Máramarosi diplomák a XIV és XV századbol- « Chartes de Marmatie des XIVe et XVe siècles », Sighet, 1900, p. 619 et suiv., et Alexandru Filipașcu de l’université de Cluj : L’Ancienneté des Roumains de Marmatie (en français), éd. du Centre d’études et de recherches transylvaines de l'université Ferdinand-Ier de Sibiu, Bibliotheca rerum Transsilvaniæ, 1945, p. 8 à 33
  2. Emmanuel Beau de Loménie, Naissance de la nation roumaine, de Byzance à Étienne-le-Grand de Moldavie, réf.: KXI-14679, Paris 1937.
  3. Filip-Lucian Iorga, (en) The Memory of the Romanian Elites, in : Analele Universităţii din Craiova, Seria Istorie, An XIX, no 2 (26)/2014, p. 157-172, lire en ligne [1]
  4. Neagu Djuvara, Les pays roumains entre Orient et Occident : les Principautés danubiennes au début du XIXe siècle, Publications Orientalistes de France, 1989 et Jean-Michel Cantacuzène, Mille ans dans les Balkans, Éditions Christian, Paris, 1992. (ISBN 2-86496-054-0)
  5. Michel Huberty, Alain Giraud, L'Allemagne dynastique, tome V : Hohenzollern, Waldeck, 1988.
  6. Matei Cazacu, Familles de la noblesse roumaine au service de la Russie, XVe – XIXe siècles, in : Cahiers du Monde Russe, Année 1993, n° thématique Noblesse, État et société en Russie XVIe siècle - début du XIXe siècle 34-1-2, p. 211-226 sur [2]
  7. En Transylvanie, le droit valaque, bien qu'il a été garanti par la charte des privilèges de 1383, était déjà mis en cause depuis 1366, par l'édit de Turda du roi Louis Ier de Hongrie qui conditionne l'accessibilité à la congregatio generalis et à la Diète par l'appartenance à l'Église catholique. Bien que l'édit ne le dise pas ouvertement, cela en exclut les orthodoxes, c'est-à-dire la majorité des transylvains. Après 1437–38, l'échec de la révolte de Bobâlna achève de remettre en question les droits des nobles roumains qui doivent choisir : soit ils perdent leurs privilèges et sont asservis, soit ils s'intègrent, en passant au catholicisme et à la langue magyare, dans la noblesse hongroise, avec le titre d’ispán (comte : voir Ioan Aurel Pop, Romanians and Romania : a brief History, Columbia University Press 1999, (ISBN 0-88033-440-1) ; Alexandru Avram, Mircea Babeş, Lucian Badea, Mircea Petrescu-Dîmboviţa et Alexandru Vulpe (dir.), (ro) Istoria românilor : moştenirea timpurilor îndepărtate (« Histoire des Roumains : l'héritage des temps anciens ») vol.1, éd. Enciclopedică, Bucarest 2001, (ISBN 973-45-0382-0) ; Ovid Sachelarie, Nicolae Stoicescu (coord.), (ro) Instituţii feudale din ţările române (« Institutions féodales des pays roumains »), éd. de l'Académie roumaine, Bucarest 1988 ; A. Dragoescu, Transilvania, istoria României, 2 volumes, Cluj 1997–1999 et manuel scolaire de Felicia Adăscăliței et Liviu Lazăr Manual de istorie pentru clasa a 12-a - éd. Corvin, Deva 2007, (ISBN 978-973-622-369-3)). Pour les sources secondaires hongroises modernes, le droit valaque n'est rien d'autre qu'une exemption de taxes accordée par les rois hongrois à leurs nobles pour défricher le domaine royal à l'aide de bucherons-bergers importés tardivement (XIVe siècle) des Balkans, et la noblesse roumaine transylvaine n'a jamais existé puisqu'elle n'était pas titrée (point de vue diffusé entre autres par Haraszti, Endre (hu) Origine des Roumains, migration et immigration en Transylvanie, pp. 60-61, Presse danubienne, Budapest 1977 (ISBN 0879340177) ; Édouard Sayous, Histoire générale des Hongrois, Budapest & Paris, 1900, p. 20-25 et Michel Mourre (dir.), Dictionnaire encyclopédique d'histoire dans son article « Roumanie », tome 7, Bordas 1992, (EAN 9782040153878).
  8. Eugène Rizo Rangabé, Livre d'or de la noblesse phanariote en Grèce, en Roumanie, en Russie et en Turquie, impr. S. C. Vlastos, Athènes, 1892 (Lire en ligne)
  9. Stefan Lemny, Les Cantemir : l'aventure européenne d'une famille princière au XVIIIe siècle, éd. Complexe, 2009.

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