La route des Indes (« Carreira da India » en portugais ou « Route du Cap ») est la route maritime directe[1] recherchée à la fin du XVe siècle par l'Espagne et le Portugal pour relier l'Europe et les Indes orientales.
Bien qu’elle ne soit plus empruntée dans sa forme originale, cette route a jeté les bases des principales voies maritimes actuelles qui traversent l’océan Indien. Elle est aujourd’hui parcourue par des porte-conteneurs et des pétroliers, jouant un rôle clé dans l’économie mondiale.
La route des Indes s’inscrit dans la période des « Grandes découvertes » qui désigne généralement les explorations maritimes entreprises par les puissances européennes aux XVe et XVIe siècles.
En portugais, la Carreira da India désigne la une route maritime annuelle qui reliait Lisbonne à Goa, mise en place par la marine Portugaise après l’ouverture de la route maritime vers l'Inde par Vasco de Gama. Ce trajet, établi dès 1500, est resté très actif jusqu'au XIXᵉ siècle, notamment avec l'ouverture du canal de Suez.
L’ouverture de la route des Indes est souvent décrite comme une grande “découverte” réalisée par les Portugais et notamment par Vasco de Gama qui aurait permis d’établir un lien maritime direct entre l’Europe et l’Asie. Cette vision ethnocentrique est notamment visible dans la page Wikipédia portugaise de cet article : Descoberta do caminho marítimo para a Índia ("Découverte du chemin maritime vers l’Inde". Cela met principalement en avant l’exploit européen, au détriment des dynamiques globales et des connaissances non-européennes qui ont rendu ce voyage possible. La page portugaise Wikipédia présente ainsi la route des Indes :
« La découverte de la route maritime vers l'Inde est le nom commun du premier voyage effectué de l'Europe vers l'Inde à travers l' océan Atlantique , effectué sous le commandement du navigateur Portugais Vasco de Gama sous le règne du roi D. Manuel Ier , entre 1497 et 1498. Considéré comme l'un des voyages les plus remarquables de l' ère des découvertes , il consolide la présence maritime et la domination des routes commerciales des Portugais. »
Un regard plus global amène à nuancer cette narration. L'ouverture de cette route s’inscrit en réalité dans un contexte préexistant d’échanges intenses dans l’océan Indien, où des marchands arabes, indiens, chinois et africains naviguaient et commerçaient depuis des siècles (Boucheron, 2009, p. 21). Les routes maritimes, les savoirs nautiques (comme les cartes et les tables des vents) et les infrastructures portuaires étaient déjà en place avant l’arrivée des Européens. Par exemple, les mu’allim, pilotes arabes expérimentés, ont guidé les navires Portugais à travers les eaux complexes de l’océan Indien. (Bertrand, 2023, p. 21)
Ce décentrement du regard implique alors de reconnaître que la route maritime vers l’Inde n’a pas été découverte par les Portugais, mais qu’ils se sont insérés dans des réseaux bien établis, qu’ils ont par la suite parfois exploités. Cela permet de sortir d’un récit traditionnel, de déconstruire la vision héroïque et isolée de l’histoire pour mieux comprendre les interactions culturelles, économiques et stratégiques entre les Européens et les sociétés locales.