Saturnisme animal

Le saturnisme animal regroupe toutes les formes de saturnisme (c'est-à-dire d'intoxication par le plomb) pouvant toucher les animaux, qu'ils soient sauvages, domestiques ou de compagnie, terrestres ou aquatiques (poissons dont truites par exemple chez lesquels des anomalies de développement peuvent apparaître dès 22 μg/L[1] associés à des indices de neurotoxicité[2], et qui peuvent concentrer le plomb, surtout dans l'os operculaire, les branchies puis les reins, avec des anomalies du métabolisme dès 13 µg/L[3]). C'est une expression employée en médecine vétérinaire ou de santé environnementale, mais aussi dans les contextes cynégétiques ou de l'élevage avicole.

Le plomb affecte de nombreuses fonctions de l'organisme animal, dont l'apprentissage[4], en diminuant les chances de survie de l'individu intoxiqué[5]. Le « saturnisme aviaire » est l'une des formes les plus étudiées du saturnisme animal ; il regroupe toutes les variantes d'intoxications par le plomb - aiguë ou chronique - d'oiseaux, qu'ils soient sauvages, domestiques ou de compagnie[6].

Le Canard pilet, en raison de son comportement alimentaire est l'un des oiseaux les plus fréquemment mortellement exposés à l'ingestion de grenaille de plomb (et moindrement mais significativement aux plombs de pêche). La plupart des populations de ce canard sont en Europe de l'Ouest en régression. C'est le canard le plus touché par ce type d'empoisonnement[7].
Les balles sont aussi en cause ; la première cause de mortalité du Condor de Californie adulte (espèce menacée de disparition, second plus grand oiseau volant terrestre du monde) est un saturnisme aviaire induit par son mode d'alimentation : il mange les cadavres de grands animaux (souvent blessés à la chasse et morts de leurs blessures après avoir échappé aux chasseurs). Ce condor commence à manger le cadavre en commençant par la plaie d'entrée de la balle (qui depuis plus d'un siècle est presque toujours en plomb)[8]. On a démontré que le plomb des balles était bien la première source d'empoisonnement par le plomb des condors réintroduits dans la nature[9],[10]. Depuis peu, les balles de plomb ou contenant du plomb sont interdites dans les principales zones d'alimentation de ce condor.
Radiographie du tractus digestif de cygnes trouvés morts dans le marais audomarois avec un nombre inhabituellement élevé de plombs avalés comme gastrolithe (ou peut-être confondu avec des graines). 12 billes de plomb auraient suffi à le tuer. On distingue deux masses de plombs (B gésier et proventricule) et une bille « incrustée » dans la chair (A) résultant d'une blessure antérieure
Sur cette radiographie d'un cygne trouvé mort à Condé-sur-l'Escaut. On distingue (flèches jaunes) des grains de plomb déjà très érodés. Il est possible que d'autres grains (totalement érodés et donc non visibles sur cette radiographie) aient été antérieurement avalés par l'animal. Ce cygne est mort en quelques jours d'une intoxication particulièrement aiguë
Grenaille toxique, oxydée, éparpillée sur le sol, perdue par un ball-trap, proche du lac Horseshoe (Madison County, Illinois, USA)

Le plomb peut être bioaccumulé par de nombreux organismes aquatiques[11]. Il peut éventuellement les intoxiquer mortellement. Parmi d'autres, abeilles et bourdons pollinisateurs[12], ou encore les insectes aquatiques sont touchés[13] et sont affectés[14] dont des espèces très importantes pour l'alimentation d'oiseaux insectivores, telles que les chironomidés (LC50 = 0,258 mg/L)[15]. Ils peuvent à leur tour intoxiquer leurs prédateurs.

On sait depuis plusieurs décennies que le saturnisme touche un grand nombre d'oiseaux d'eau[16].

D'autres espèces, non aquatiques[17] et « non-gibier »[18] sont également fréquemment empoisonnées par le plomb. C'est le cas des oiseaux de proie[19], des oiseaux nécrophages[20] et des oiseaux picorant le sol là où se sont accumulées des grenailles de plomb [21].

De nombreuses espèces devenues rares ou menacées sont concernées, y compris dans des régions reculées comme l'Alaska[22] et dans certaines zones très éloignées, telles que les territoires Inuits d'Amérique du Nord.

On a plus récemment montré que la venaison de « grand gibier » tué par balle (de plomb ou de plomb chemisé) contenait presque toujours de nombreux petits éclats de plomb (jusqu'à plusieurs centaines) perdus par la balle quand elle a pénétré l'animal, et parfois diffusés loin de la plaie par les derniers soubresauts du cœur, via le système sanguin[23]. Ce plomb perturbe les équilibres prédateurs-proies et est inévitablement ingéré par l'humain avec la viande[24], et il se montre facteur de saturnisme (par exemple chez des porcs quand cette viande leur est expérimentalement donnée à manger)[24].

À partir des années 1970, des règlementations, encore aujourd'hui très hétérogènes ont commencé à réguler (ou localement interdire) le plomb dans les munitions ou certains agrès de pêche, d'abord en Amérique du Nord, puis en Europe dans les années 1990 et 2000[20]. Depuis quelques années, quelques réhabilitations de sites pollués par de la grenaille de plomb ont été conduites, dans quelques pays (sur des sites de ball-trap en général) ou des programmes de gestion des billes de plomb existent, dans le Massachusetts par exemple[25].

  1. P.V. Hodson, B.R. Blunt, D. Jensen, S. Morgan, Effect of Fish Age on Predicted and Observed Chronic Toxicity of Lead to Rainbow Trout in Lake Ontario Water ; Journal of Great Lakes Research Volume 5, Issue 1, 1979, Pages 84-89 doi:10.1016/S0380-1330(79)72132-0 (Résumé)
  2. Davies & al. (1976), Acute and chronic toxicity of lead to rainbow trout Salmo gairdneri, in hard and soft water. Water Researc h 10:199-206
  3. Peter V. Hodson, Beverley R. Blunt, Douglas J. Spry, Chronic toxicity of water-borne and dietary lead to rainbow trout (Salmo Gairdneri) in lake Ontario water, Water Research Volume 12, Issue 10, 1978, Pages 869-878 doi:10.1016/0043-1354(78)90039-8 (Résumé)
  4. Burger J, Gochfeld M. (2005) Effects of lead on learning in herring gulls : an avian wildlife model for neurobehavioral deficits. Neurotoxicology ;26:615–24
  5. Rice C. (1993), Lead-induced changes in learning : Evidence for behavioral mechanisms from experimental animal studies. Neurotoxicolog y 14(2-3) : 167-178
  6. Casteel SW. Lead. In: Peterson ME, Talcott PA, eds. Small Animal Toxicology. St. Louis: Elsevier Saunders; 2006:795-805.
  7. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées ConferencePeregr2008
  8. Ritter, John (2006-10-23). Lead poisoning eyed as threat to California condor ; USA Today ; Consulté 2009-04-03
  9. Church ME, Gwiazda R, Risebrough RW, Sorenson K, Chamberlain CP, Farry S, Heinrich W, Rideout BA, Smith DR. ; « Ammunition is the principal source of lead accumulated by California condors re-introduced to the wild ».Environ Sci Technol. 2006 Oct 1;40(19):6143-50 ; PMID 17051813 Résumé, consulté 2010/05/13
  10. TOM J. CADE. (2007) Exposure of California Condors to Lead From Spent Ammunition. Journal of Wildlife Management 71:7, 2125-2133 Article en ligne date: 1-Sep-2007.
  11. VIGHI M (1981) Lead uptake and release in an experimental chain. ; Ecotoxicol. environ. Saf., 5: 177-193.
  12. « L’apprentissage des abeilles perturbé par les métaux lourds », sur CNRS Le journal (consulté le )
  13. WARNICK, S.L. & BELL, H.L. (1969) The acute toxicity of some heavy metals to different species of aquatic insects. J. Water Pollut. Control Fed., 41: 280-284.
  14. WEISMAN, L. & SVATARAKOVA, L. (1981) The influence of lead on some vital manifestations of insects. Biologia (Bratislava), 36: 147-151.
  15. ANDERSON, R.L., WALBRIDGE, C.T., & FIANDT, J.T. (1980) Survival and growth of Tanytarsus dissimilis (Chironomidae) exposed to copper, cadmium, zinc and lead. Arch. environ. Contam. Toxicol., 9: 329-335.
  16. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Bellrose1959
  17. Ian J. Fisher, Deborah J. Pain, & Vernon G. Thomasb, A review of lead poisoning from ammunition sources in terrestrial birds ; Biological Conservation ; Volume 131, Issue 3, August 2006, Pages 421-432 Ed : Elsevier Ltd ; doi:10.1016/j.biocon.2006.02.018 Résumé, consulté 2010/05/13
  18. Locke, L. N., and M. Friend. 1992. Lead poisoning of avian species other than waterfowl. Pages 19-22 in D. J. Pain, ed., Lead poisoning in waterfowl. IWRB Spec. Publ. No. 16, Slimbridge, Royaume-Uni.
  19. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Locke
  20. a et b Rafael mateo (2009) ; Lead poisoning in wild birds in Europe and the regulations adopted by different countries. In R. T. Watson, M. Fuller, M. Pokras, and W. G. Hunt (Eds.). Ingestion of Lead from Spent Ammunition: Implications for Wildlife and Humans. The Peregrine Fund, Boise, Idaho, États-Unis. DOI 10.4080/ilsa.2009.0107, consulté 2010/05/13
  21. Ferreyra, H; Romano, M; Uhart, M (Jul 2009). « Recent and chronic exposure of wild ducks to lead in human-modified wetlands in Santa Fe Province, Argentina ». Journal of wildlife diseases 45 (3): 823–7. (ISSN 0090-3558). PMID 19617495
  22. JC Franson, MR Petersen, CU Meteyer & MR Smith ; Lead poisoning of spectacled eiders (Somateria fischeri) and of a common eider (Somateria mollissima) in Alaska ; Journal of Wildlife Diseases, 31(2), 1995, p. 268-271 ; Wildlife Disease Association 1995 ; Résumé et article complet (en anglais)
  23. Steve Holmer ; Bird Studies Implicate Lead Bullet Residues as a Possible Threat to Human Health ; American Bird Conservancy ;
  24. a et b Scott Streater ; Eating venison, other game raises lead exposure (Manger de la venaison et d'autres gibiers accroît l'exposition au plomb) ; Environmental Health News; 2009//11/28
  25. The Massachusetts Lead Shot Initiative, programme de l'État du Massachusetts visant à responsabiliser les gestionnaires de sites de ball-trap et stands de tir à propos du plomb des munitions

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